mercredi 23 avril 2014

#CLOM_REL_5M2A1 Critique de l’implicite socio-éducatif

#CLOM_REL_5M2A1
.1 À votre avis, quelles "conditions" devraient être en place dans votre "milieu de travail" ou dans votre "société" pour assurer l’"émergence" des pratiques éducatives libres?
.2 Comment nos "institutions" devraient-elles être organisées pour favoriser l’éducation libre?

Entre apostolat/vocation et idéologie

Il ne faut pas s'attendre que l'on puisse transformer les conditions de l'enseignement traditionnel pour y introduire des pratiques éducatives libres et en même temps réorganiser l'Institution scolaire pour finalement désigner le tout sous "apprentissage"; il y aurait contresens: Enseigner n'est pas Apprendre.
Comme son nom l'indique, le milieu de l'enseignement est d'abord un environnement de travail - celui de l'administration, celui des enseignants, et on aura beau se préoccuper de la clientèle qui fréquente l'école par obligation jusqu'à l'âge de 16 ou 18 ans, rien dans les approches traditionnelles existantes (didactique institutionnelle ou méthodes pédagogiques) ne saurait prévisiblement modifier le vecteur social et l'impulsion qui accompagnent le profond désir national, culturel, d'universaliser l'éducation dans ses frontières: du point de vue de l'anthropologie, tout enseigner à tous est une utopie qui aura à peine été critiquée faute d'avoir été analysée, comprise et réduite à ses propositions de base qui n'ont pas varié depuis Komensky (alias Comenius).
Il en va autrement après l'âge de fréquentation scolaire obligatoire où l'apprentissage serait considéré comme un acte volontaire, mais alors il pourrait n'être plus question de didactique universelle, à mille et une conditions toutefois, toutes exacerbées par la liberté finalement conquise de pouvoir faire porter son discours au-delà de l'Institution, de la famille et des amis - si c'est cela qu'on veut, individuellement.
Le désir combien humaniste entretenu par Ratke et Komensky au 17e siècle s'est gélifié dans "une didactisation institutionnelle de fait" qui scelle tout l’enseignement et l'apprentissage "dans un système éducatif" (Tozzi 1995:237). Ce que propose Tozzi n'inclut pas un renversement du paradigme institutionnel mais son élargissement:
(i) à un paradigme organisateur « problématisant »
(ii) à une matrice ou modèle didactique révisable
(iii) un modèle plutôt cognitiviste, réflexif, ou constructiviste proche des perspectives bachelardiennes, c’est-à-dire épistémologique
(iv) un modèle qui sollicite la conceptualisation notionnelle, la problématisation des relations entre les notions, et l’argumentation
(v) qui recherche le développement de « compétences de pensée », la réflexion métacognitive aux fins d’appropriation
(vi) qui porte attention aux opinions-représentations
(vii) qui active trois processus de pensée (problématiser, conceptualiser, argumenter)
(viii) ces pensées portent sur ou produisent des objets de pensée
(ix) l’écriture et la lecture demandées sont complexes et exigeantes en termes d’efforts et d’engagement... (Tozzi 1995:255-257).
La philosophie étant ce qu'elle est, le modèle contemporain proposé ici n'est pas applicable à beaucoup d'autres disciplines. Reprenons le premier terme de la question initiale ci-haut: quelles "conditions" devraient être en place dans votre "milieu de travail" ou dans votre "société" pour assurer l’"émergence" des pratiques éducatives libres? (mot clé: milieu de travail)

Critique de l’implicite socio-éducatif

Dans une enquête récemment publiée, il est enfin admis que le "vivre ensemble" institutionnel à l'école est régulé ou contraint par des "règles implicites". Les règles implicites dont il est question dans le Guide de la socialisation[*] du REFAD s’appliqueraient uniquement aux étudiants et non aux travailleurs et employés des institutions d’enseignement. Ces derniers sont en effet actifs dans un environnement de travail que l’on désigne bien légèrement sous milieu de vie, peut-être pour faire oublier que toutes les relations entre l’établissement et ses employés sont étroitement régies par des conventions de travail de temps à autre négociées et révisées – celles-là nullement implicites.
Si la question des interactions interpersonnelles en milieu éducatif s’avère la première corde sensible pour le personnel des établissements d'enseignement, il faut comprendre que pour les étudiants en formation à distance c’est la métacognition qui s’avère le premier mécanisme et l’ultime recours de l’apprentissage et du sentiment de satisfaction que l’on s’attend de ressentir à terme, bien avant confirmation du succès. On peut choisir le premier sentiment (celui des relations interpersonnelles) au soutien du vouloir enseigner, mais on valorisera le deuxième mécanisme dans le cas d’un cours conçu globalement comme un plan de travail étudiant faisant appel au vouloir apprendre. Pour relier apprentissage et enseignement il faut dans les circonstances que le monde de l’Éducation aborde franchement la notion de distanciation psychologique.
La part implicite des énoncés du guide de socialisation du REFAD ne saurait être prépondérante pour qui travaille à l’École: ni l’État, ni les établissements ni même les regroupements de travailleurs et aucune autre partie prenante ne saurait s’en satisfaire. Pourtant, en vertu de cette théorie sociologique de l’éducation, ce qui vaut pour des adultes en emploi dans les établissements d’enseignement ne trouverait pas d’application chez des apprenants adultes dont le statut d’étudiant – transitoire, et précisément à cause de cela – serait mis en veilleuse pour cause d’admission à l’école, au collège, à l’université. En réalité, ce que le monde de l’enseignement désigne sous milieu de vie s’avère en réalité la bulle des relations interpersonnelles qu’entretiennent entre eux ces employés de l’État.
Mais il y a plus, les auteurs du REFAD ne reculent devant aucun non-sens en prétendant que certains "apprentissages marginaux" sont sujets à "apprentissage en milieu éducatif", à savoir les cultures non-institutionnelles et les relations sociales (p.6). Clairement, les éléments de vie et les états de personnalité manifestés dans la culture générale ambiante, dans les relations familiales et dans les réseaux sociaux ne sont pas marginaux ni ne sont rendus marginaux par l’effet d’un simple discours institutionnel sur la formation ouverte et à distance au collège et à l’université. Au terme de leur démarche, les auteurs du guide de socialisation du REFAD se désolent et renvoient le lecteur au début en posant la question suivante: Où est le « social » ? (p.145)
La réponse est plus simple qu’il n’y paraît: pour les étudiants, le social n’est pas cultivé à l’école conçue comme filtre culturel ou tremplin professionnel. Dans la vie de la plupart des gens, c’est l’école qui est marginale, une étape, et trop souvent un mauvais rêve qu’on s’empresse d’oublier: le taux d'échec, de rejet, les abandons et la désaffection le démontrent amplement.
Le rapport du REFAD (Guide de la socialisation 2014) n’en est pas moins porteur en cela qu’il met en lumière la prochaine nécessaire évolution de tout le système éducatif: comprendre que la socio-pédagogie décrite dans ce rapport de recherche n’est pas généralisable à tous les ordres d’enseignement et pas du tout à la formation à distance et, dans ce cas spécifique, sans égard à l’ordre d’enseignement. Dès lors, la question des ressources éducatives libres déborde largement le cadre institutionnel étroit dans lequel on enferme les enseignants eu égard à la liberté d'expression et aux droits de propriété intellectuelle.  

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[*] TOZZI, M. 1995. De la philosophie à son enseignement: le sens d’une didactisation. Develay, M., dir. Savoirs scolaires et didactiques des disciplines. Une encyclopédie pour aujourd’hui. Paris: ESF Éditeur, 237-260.
[*] REFAD 2014 http://www.refad.ca/wp-content/uploads/2014/04/Guide_sur_la_socialisation_en_FAD.pdf
Adresse alternative: http://goo.gl/dfdzn1
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